Un jour peut-être...

UN JOUR ? PEUT-ÊTRE…




Assis à la terrasse du café, il semblait perdu dans de lointaines pensées, à moins que ce fut un moment d’indifférence, de détente. La trentaine, les yeux verts, il avait de belles mains fines, un pianiste ? De temps en temps, il portait son verre à la bouche d’un geste automatique. Il avait l’air égaré au milieu de cette foule qui allait et venait. Soudain, il parut sortir de sa torpeur et s’éveiller. Son regard fut attiré par une jeune fille qui vint s’asseoir à la table près de la sienne. Une longue chevelure rousse, une poitrine avantageuse au décolleté provoquant laissait apercevoir la naissance de deux seins qu’il aurait aimé caresser. Que lui arrivait-il ? La jeune femme commanda un café, croisa les jambes, ce qui lui permit d’admirer la beauté de ses chevilles. Il avait toujours eu un faible pour les femmes ayant de beaux seins et de belles chevilles. Ô, dans son regard il n’y avait aucune incorrection ; aucune mauvaise pensée ne l’effleurait. Mais il aurait aimé lier une amitié avec elle. Son cœur brisé depuis tant de mois, avait soudain besoin de douceur, d’empathie. Il ne pouvait continuer ainsi à errer d’un bistrot à un cinéma, d’un musée à une exposition.
Très sensible, amoureux fou de sa femme, un vertige le prit et il la revit, allongée dans son lit de souffrance, toujours avec la même beauté, la même pureté dans ses yeux. Jamais une plainte, un sourire mélancolique aux lèvres, c’est elle qui essayer de le réconforter. Il lui tenait la main qu’elle caressait longuement en lui murmurant : « Tu sais, ce n’est que mon enveloppe qui va me quitter. Mon âme éternelle va prendre son envol vers la lumière et jamais nous ne cesserons de nous aimer. C’est mon karma de quitter ce monde à présent »
Il ne répondait jamais à de tels discours, se contentant d’admirer cette jeunesse qui allait l’abandonner trop tôt. Dans ces moments-là, une haine féroce l’étreignait, qu’il ne pouvait même pas expliquer contre qui… Mais c’était trop injuste, trop cruel. Comment supportera-t-il sa disparition, son absence ? Elle respirait encore et déjà la solitude l’enveloppait. Elle était son soleil et il allait s’éteindre…
Un bris de verre l’arracha à ses pensées, la jeune femme venant de laisser tomber son verre d’eau. Ils se regardèrent quelques secondes, elle, gênait de sa maladresse, lui, presque étonné de se trouver là.
Il paya, se leva, et reprit le chemin de son appartement vide, un livre sous le bras intitulé « Spiritualité et Réincarnation ». Ce titre l’avait interpellé, et bien qu’incrédule, il se dit que peut-être il y trouverait des réponses à sa douleur, qu’il apprendrait à vivre avec sa souffrance.
Patricia lui parlait souvent de l’au-delà, d’une vie après la vie. A l’époque, il la taquinait, restant hermétique. Mais à présent, il voudrait tant qu’elle eût raison, ainsi se retrouveront-ils un jour ! Ils se reconnaîtront et iront l’un vers l’autre, souriants, heureux. Alors, quelle bénédiction…