Las d’un libre destin, las de sa dignité,
L’homme sur ses autels plaça sa vanité.
Le front chargé d’ennuis l’étude prit naissance,
Et l’erreur, à sa voix, détrôna l’ignorance.
L’homme à dit : « Je sais tout et j’ai tout défini ;
J’ai pour loi la raison, pour borne l’infini.
L’étude me ravit à des hauteurs sublimes ;
De ce globe étonné j’ai sondé les abîmes ;
Cet élément subtil dont il roule entouré,
Ce feu, de tous les corps le principe sacré,
L’onde qui les nourrit de ses flots salutaires,
N’ont pu contre mes yeux défendre leurs mystères ;
Est-il quelques secrets, cachés au fond des cieux,
Que n’ait point pénétré mon regard curieux ? … »
Moins fier de sa raison, il eût mieux dit peut-être :
« J’ai su tout expliquer, ne pouvant tout connaître. »
L’insensé ! quels combats il s’épuise à livrer,
Pour détruire un mensonge ou pour le consacrer !
Que d’efforts malheureux, que de veilles stériles !
Qu’il érige à grands frais de systèmes fragiles !
Ptolémée, illustré par cent travaux divers,
Dans un ciel de cristal fait tourner l’univers !
D’autres, soumettant tout aux lois de Polymnie,
Des cercles étoilés ont noté l’harmonie.
Si le temps nous éclaire et les à réfutés,
Le temps de mille erreurs a fait des vérités.
Tout le savoir humain n’est qu’un grand labyrinthe.
L’étude nous conduit dans cette obscure enceinte ;
De son fil embrouillé, qui s’allonge toujours,
On suit péniblement les tortueux détours ;
Le voyageur perdu marche de doute en doute,
Et sans se retrouver expire sur la route.
…
Quel destin vous attend, si de la vérité
Le flambeau redoutable est par vous présenté !
Que de petits esprits, jaloux des noms célèbres,
Prendront contre le jour parti pour les ténèbres !
Leur nombre dangereux fait leur autorité ;
Les sots depuis Adam sont en majorité.
Casimir Delavigne 1793-1843