Il était une fois deux enfants qui se criaient des noms. Ces enfants d'une dizaine d'années se rencontraient régulièrement car leurs parents avaient à se visiter pour des raisons d'adulte concernant les affaires de la vie. Pendant que les adultes discutaient entre eux, les deux enfants se regardaient à distance, puis échangeaient quelques paroles qui pouvaient donner à penser que tout allait pour le mieux. Mais cela ne durait pas. Le plus vigoureux des deux se mettait à dire des choses épeurantes à l'autre. Même que parfois il lui criait : "Innocent, naïf, ignorant". L'autre écoutait et ce qu'il entendait l'attristait et lui faisait peur, mais il ne trouvait pas la force de dire ce qu'il savait être la vérité. Car en fait, il finissait par douter de sa vérité en présence de cet enfant qui parlait fort, vite, et qui semblait tout connaître. Il parvenait à riposter de temps à autre "Incrédule, tête dure, rabat-joie", mais finalement il repartait avec ses parents, le ventre rempli de peur.
Il se confiait à sa mère : "Je ne veux plus aller à la maison de cet enfant. Il me dit des choses que je n'aime pas et cela me fait peur." Sa mère l'écoutait avec bienveillance et lui disait : "Ce que tu as dans le coeur est si précieux, si plein de beauté, qu'il se peut que cet ami t'envie. Il aimerait avoir un coeur aussi ouvert que le tien mais ne sait comment y arriver. Alors, il te dit des mots qui semblent te blesser afin que tu refermes ce coeur qui l'éblouit. Sois confiant mon enfant. Ta vérité est ce qui compte. Jour après jour il y aura des personnes qui voudront te bloquer le chemin. Souviens-toi de la beauté de ton coeur. La prochaine fois, essaie de sourire à cet ami." "Mais ce n'est pas mon ami, c'est mon ennemi..." répondait l'enfant en pleurant. Sa mère le berçait tendrement en lui chantant une chanson.
Un soir, après avoir pleuré dans les bras de sa mère, l'enfant s'endormit avec son ourson Théo collé tout contre lui. Il fit un rêve : l'enfant-ennemi était coincé dans une maison en feu. Les flammes étaient puissantes et on entendait les cris de l'enfant par la fenêtre du second étage. Sans hésiter, l'enfant à l'ourson grimpa dans l'arbre qui arrivait jusqu'à la fenêtre et avec l'aide de son ourson, il put ouvrir la fenêtre et entraîner sur la branche de l'arbre l'enfant qui criait. Tous les deux haletaient, l'un couvert de suie noire et tremblant de peur, l'autre heureux d'avoir sauvé son ... ennemi. Il comprit que cet enfant qui lui disait des choses épeurantes pouvait aussi avoir peur, très peur. L'enfant à l'ourson demanda "Pourquoi me dis-tu souvent des choses pour m'effrayer?" L'autre garda le silence en baissant les yeux. L'enfant à l'ourson plaça le petit ours Théo dans les bras de l'enfant couvert de suie. Au contact de l'ourson, ce dernier se mit à pleurer et à serrer le petit Théo très fort dans ses bras. Il réussit à dire :
"Sans trop savoir pourquoi, qui tu es me fait peur. Je sais bien que je sais lire et pas toi, que je parle plus fort et suis physiquement plus vigoureux que toi, mais il y a une puissance profonde en toi que je ne trouve pas en moi. Je t'entends parler à ton ours Théo d'intimité avec le coeur, du pouvoir de créer son chemin, de la force de mourir à ses peurs, du courage de choisir le bonheur. Ces mots m'effraient. Je me sens perdu quand je les entends. Alors je te dis des choses pour paraître connaissant à tes yeux, et bien sûr à mes propres yeux. Pour que je sentes que moi aussi je sais ce qu'il faut faire et que tu puisses avoir confiance en moi. Les mots que je dis te font peur car mon intention est que tu fasses confiance en mon savoir. C'est moi le plus cérébral des deux, non? Je suis supposé savoir ce qui est bon et ce qui est mauvais. Ainsi, ça me réconforte et me rassure moi-même car je peux alors te servir à quelque chose..."
L'autre enfant écouta ceci avec le coeur remplit de tendresse. Il prit son ami dans ses bras et le serra doucement. Il venait de comprendre que la peur de l'un était le reflet du doute de l'autre :
"Merci de me parler ainsi. Tu me fais le plus grand et le plus utile des cadeaux : tu me permets de regarder en moi pour trouver l'espace de doute qui existe encore en mon propre coeur. Tes mots qui m'effraient m'amènent à plonger encore plus profondément en moi pour croire en ma vérité. Croire totalement. Tu me pousses dans les derniers retranchements de mon coeur. Et là, bien coincé, j'ai à faire un choix crucial : croire en tes paroles ou croire en la vérité de mon coeur. Tu m'aides à choisir mon coeur. Définitivement. Tu es mon meilleur ami. Mon ami de toujours et pour toujours. Merci!"
Un chaud silence enveloppa les deux enfants. L'enfant au coeur joyeux dit : "J'aimerais te demander quelque chose ? Veux-tu me montrer à lire, Savant Ami ?" L'enfant noir de suie répondit : "Et toi Sage Ami, veux-tu m'enseigner le don de parler à ton ourson Théo ?"
Les enfants se regardèrent tous les deux avec des yeux lumineux de reconnaissance. Ils partirent à rire car ils découvraient ensemble que nos ennemis sont en fait nos meilleurs amis : ils se présentent sur notre route afin de nous aider à fortifier et à unir en nous ce qui est nécessaire pour la suite du chemin.
Source : http://www.fructifor.ca/728.html