La poupée...

La Poupée

Dans le grenier de la maison
familiale, j’ai découvert, devinez quoi ?... Une poupée ! La plus
belle que je n’avais jamais vue. Un visage fin en porcelaine avec de jolis yeux
bleus pétillants, un petit nez mutin, et des lèvres qui semblaient prêtes à
faire la conversation. C’était sûrement une poupée de la belle époque, de
Renoir par exemple. Ses mains et ses jambes étaient également en porcelaine et
son manteau brodé lui donnait un air de princesse. Ses cheveux mi-longs étaient
retenus par un ruban. Quelle était belle ! Je la pris précautionneusement
dans mes bras pour ne pas l’abîmer, car elle était restée telle qu’on avait dû
l’acheter. Ces bottines en velours, tout comme la poupée toute entière étaient
recouverts de poussière que je secouai avec légèreté. Elle apparut encore plus
jolie, presque vivante, me fixant de son doux regard. Je me demandais à qui
elle avait appartenu et pourquoi les fillettes de la famille n’avaient pas eu
le privilège de la posséder. Etait-ce un souvenir d’une aïeule disparue ?
Je la serrai contre mon cœur, mettant sa bouche tout contre mon oreille,
persuadée qu’elle allait me conter son histoire. L’imagination n’a pas de
limites car en quelques minutes je sus tout d’elle.

Jadis, elle était restée exposée dans
une vitrine d’un très beau magasin parmi d’autres objets de valeurs. Les gens
entraient et sortaient, achetaient ceci ou cela, mais notre poupée était
fatiguée d’être toujours debout à attendre qu’on veuille bien l’acheter…

Un jour, enfin, un monsieur portant chapeau,
monocle et gants de cuir s’adressa à la vendeuse :

« Je désirerais acheter cette
poupée. C’est pour ma filleule qui est malade et je suis persuadé qu’elle lui
rendra le sourire.

La vendeuse n’en croyait pas ses
oreilles, depuis le temps que la poupée trônait dans sa vitrine, elle s’était
habituée à la voir là et elle craignait que son étalage ne fût plus le même. En
soupirant, elle remit le paquet au monsieur qui emporta son trésor.

« Et bien crois-moi, si tu veux,
me murmura la poupée, la fillette et moi devinrent les meilleures amies du
monde, elle se rétablit et me garda près d’elle jusqu’à qu’elle fut une très
vieille dame. Elle demanda à ses héritiers de me conserver dans cette malle où
je l’avoue, je commençais à manquer d’air ».

Des années s’étaient écoulées et je
jugeais qu’il y avait prescription. Cette poupée devra passer de générations en
générations avec une place d’honneur dans chaque foyer où elle sera reçue.
Cette aïeule inconnue ne m’en voudra sûrement pas. On ne peut éternellement cacher
une telle merveille qui avait bien voulu me raconter son histoire.
Devina-t-elle mes pensées ? Car un léger sourire se dessina sur ses
lèvres…